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L'Elucidation ou l'Eclaircissement du Testament de Raymund Lulle From Bibliotheque des philosophes chimiques, Paris, 1740-54. Transcribed by Gleb Butuzov, preserving the spelling of the original. L’ELUCIDATION OU L’ECLAIRCISSEMENT DU TESTAMENT DE RAIMOND LULLE Par lui-même .(Biblioteque des Philosophes Alchimiques, Vol. IV. Paris, 1754) Quoique nous ayons composé plusieurs Livres des diverses opérations de notre Art philosophique ; toutefois ce petit Traité, qui est notre dernier, est celui que nous préférons à tous les autres, parce qu’il mérite bien d’être intitulé de nous l’Elucidation de notre Testament; d’autant que ce que nous avons véritablement caché en notre Testament, et en notre codicile, par de longs discours touchant les Ecrits des Philosophes, nous les éclaircissons ici fort nettement en très-peut de paroles: mais afin que je n’aye pas besoin de composer d’autres Livres, puisque la composition n’est rien autre chose, et ne consiste qu’en la subtilité d’un bel esprit à bien couvrir et cacher notre Art, ce qui a été démontré abondamment en nos Livres sort maintenant de son obscurité, et est conduit en une agréable lumiere; d’autant que pas un des Philosophes n’a jamais osé faire cette enterprise. Cependant nous divisons ce Livre en six Chapitres, dans lesquels tout le mystere de cet Art est éclairci par des paroles très-claires, desquels Chapitres Le second traite de Vaisseau, Le troisiéme du Fourneau, Le quatriéme du Feu, Le cinquiéme de la Décoction. Et le sixiéme de la Teinture, et de la multiplication de la Pierre. CHAPITRE PREMIER De la matiere de la Pierre. Commençons donc premierement à faire connoître la matiere de notre Pierre; car nous avons appliqué des choses étrangéres à notre Magistere par leurs similitudes; toutefois notre Pierre est composée d’une seule chose, trine par rapport à son effence et à son principe, à laquelle nous n’ajoûtons aucune chose étrange, ni ne la diminuons pas; nous avons décrit aussi trois Pierres; à sçavoir la minérale, l’animale et la végétale, quoiqu’il n’y ait seulement qu’une pierre en notre Art; nous voulons, ô enfans de doctrine, vous signifier que ce composé contient trois choses, à sçavoir ame, esprit et corps. Il est appelé minéral, parce qu’il est une miniere; animal, parce qu’il a une ame; végétal, parce qu’il croît et est multipliée, en quoi est caché tout le secret de notre Magistere, qui est le Soleil, la Lune, et l’Eau-de-vie; et cette Eau-de-vie est l’ame et la vie des corps, par laquelle notre Pierre est vivifiée; pour cette raison nous la nommons Ciel, quintescence incombustible, et autres noms infinis; d’autant qu’elle est presque incorruptible, comme est le Ciel dans la circulation continuelle de son mouvement; ainsi par cette claire démonstration vous avez la matiere de notre Pierre en toute son étendue. CHAPITRE II Du Vaisseau. Nous avons résolu de parler à présent de notre Vaisseau; ô vous, enfans de doctrine, prêtez bien ici vos oreilles, afin que vous entendiez notre sentiment et notre esprit; quoique nous vous ayons découverts plusieurs genres de Vaisseaux qui font énigmatiquement décrits en nos Livres, toutefois notre opinion n’est pas de se servir de divers Vaisseaux, mais seulement d’un seul, lequel nous montrerons ici par des démonstrations visibles et sensibles, dans lequel Vaisseau notre Oeuvre est accomplie depuis le commencement jusqu’à la fin de tout le Magistere; cependant notre Vaisseau est composé ainsi; il y a deux vaisseaux attachés à leurs alambics, de même grandeur, quantité et forme en haut, où le nez de l’un entre dans le ventre de l’autre, afin que par l’action de la chaleur, ce qui est en l’une et autre partie montre dans la tête du vaisseau, et après par l’action de la froideur, qu’il descende dans le ventre. O enfans de doctrine, vous avez la connoissance de notre vaisseau, si vous n’êtes pas gens de dure cervelle. CHAPITRE III Du Fourneau. Nous parlerons maintenant de notre Fourneau, mais il nous fera fort fâcheux de rapporter ici le secret de notre Fourneau, que les anciens Philosophes ont tant caché; car nous avons dépeint en nos Livres divers Fourneaux: néanmoins je vous déclare sincérement que nous ne nous servons que d’un seul Fourneau, qui est appellé Athanor, duquel la signification est d’être un feu immortel, parce qu’il donne toujours le feu également et continuel dans un même dégré, en vivifiant et nourissant notre composé depuis le commencement jusqu’à la fin de notre Pierre. O enfans de doctrine, écoutez nos paroles, et entendez; notre Fourneau est composé de deux parties, ils doit être bien bouché en toutes les jointures de son enclos; voilà comme est la nature de ce Fourneau; que le fourneau soit fait grand ou petit, suivant la quantité de matiere demande un grand Fourneau, la petite un petit; faut qu’il soit fait à la maniere d’un Fourneau à distiller avec son couvercle, qu’il soit bien clos et fermé; ainsi quand le Fourneau aura été composé avec son couvercle, faites en sorte qu’il y ait un soupirail au fonds, afin que la chaleur du feu allumé y puisse respirer; pour Fourneau cette nature de feu requiert et demande ce seul Fourneau, et non pas un autre; et la clôture des jointures de notre Fourneau est appellée le sceau d’Hermes, d’autant qu’il n’a été connu seulement que des Sages, et n’est en aucun lieu exprimé par aucun des Philosophes; car il est résérvé en la Sapience, d’autant qu’elle le garde par une puissance commune. CHAPITRE IV Du Feu. Encore que nous ayons traité parfaitement en nos Livres de trois sortes de feu, à sçavoir du naturel, du connaturel, et du contre-nature, et de diverses autres manieres de notre feu, néanmois nous voulons par-là vous signifier un feu composé de plusieurs choses, et c’est un très-grand secret que de parvenir à la connoissance de ce feu, parce qu’il n’est pas humain, mais angélique; il faut vous révéler ce don céleste, mais de peur que la malédiction et exécration des Philosophes, qu’ils ont laissé à ceux qui viendront après eux, ne soit jettée sur nous; prions Dieu, afin que le trésor de notre Feu secret ne puisse passer et parvenir qu’entre les mains des Sages, et non pas en d’autres? O enfans de sagesse, prêtez vos oreilles pour bien entendre et appercevoir notre Feu composé, qui fera de deux choses; apprenez que le Créateur de toutes choses a créé deux choses propres entre les autres pour ce Feu, à sçavoir le fient de Cheval et la chaux vive, la composition desquels cause notre Feu, duquel la nature est telle: prenez le ventre du Cheval, c’est-à-dire du fumier de Cheval bien digeré une partie, de la chaux vive pure une partie; ces choses étant composées, pétries ensemble et mises en notre Fourneau, et notre Vaisseau étant placé dans le milieu contenant la matiere de notre Pierre, puis le Fourneau étant bien fermé de toute parts; vous aurez alors le feu divin sans lumiere et sans charbon, qui est placé dans son Fourneau, et ne peut pas être autrement, ayant tout ce qui lui est nécessaire: mais ce fumier et cette chaux sont philosophiques, et s’entendant de notre matiere, qui a son feu interne et Divin; car notre feu artificiel est la foible chaleur que produit le feu de lampe. CHAPITRE V De la Décoction. Il y a aussi plusieurs manieres de préparations de notre Pierre en notre Testament, qui sont déclarées en nos autres Traités; à sçavoir la solution, la coagulation, la sublimation, la distillation, la calcination, la séparation, la fusion, l’incération, l’imbibition et la fixation, e.t.c. La signification de toutes ces opérations n’est que la seule décoction; cependant en notre seule décoction, toutes ces manieres d’opérer sont accomplies, mais la nature de notre décoction est de mettre la matiere du composé celon la mesure, dans son vaisseau, son fourneau, et son feu, en décuisant continuellement; c’est en quoi consiste tout notre Oeuvre, selon les Philosophes; par le moyen de cette cuisson linéaire, douce dans l’abord, et onctueuse, la matiere parvient à sq parfaite maturité; ce qui s’accomplira en dix mois philosophiques, depuis le commencement jusqu’à la fin de tout le Magistere, sans aucun travail de main; mais nous voulons par ces manieres et ces opérations ainsi décrites, vous faire connoître l’exellence et la sublimité de notre Art, et comment l’esprit des Sages l’ont environné d’un voile ténébreux, de peur que celui qui est indigne de cet Art, n’atteigne jusqu’à la pointe de la montaigne de notre secret, mais plutôt qu’il persiste dans son erreur, jusqu’à ce que le Soleil et la Lune soient assemblés en un globe, ce qui lui est impossible de faire sinon par le commandement de Dieu. CHAPITRE VI De la Teinture et de la multiplication de notre Pierre. Nous parlerons en dernier lieu de la teiture et de la multiplication, qui est la fin et l’accomplissement de tout le Magistere; car nous avons montré en nos autres Livres plusieurs sortes et manieres de la projection de notre teinture; toutefois puisque notre teinture n’est pas différente de la multiplication, et que ni l’une ni l’autre d’icelles ne se peut faire sans l’autre, cependant il faut que notre Pierre soit auparavant teinte. O enfans de sagesse, repoussez les ténébres et les obscurités de votre esprit, pour entendre le secret des secrets, qui est caché en nos Livres par une admirable industrie, lequel secret sort ici d’un abysme et apparoît au jour. Oyez et entendez, d’autant que notre multiplication n’est autre chose que la réiteration du composé de notre Oeuvre primordiale composée; car en la premiere réiteration une partie de notre Pierre teint trois parties du corps imparfait, et en autant de parties il est multiplié et croît en quantité; en la seconde réiteration une partie en teint sept parties; en la troisiéme une partie teint quinze; en la quatriéme réiteration une partie en teint trente-une; en la cinquiéme réiteration une partie en teint soixante-trois; en la sixiéme réiteration une partie en teint cent vingt-sept, et toujours elle est multipliée et augmentéé en autant de parties, en procédant ainsi jusqu’à l’infini. Voilà, ô enfans de doctrine, comme nos Ecrits qui avoient été cachés jusqu’à présent sous des paraboles, sont decouverts; et nous les éclaircissons contre le précepte des Philosophes; mais nous voulons bien nous excuser de leurs réprimandes et de leurs reproches, de peur que nous ne tombions par la permission divine dans leur exécration et leur malédiction; cependant nous mettons pour cela les paroles de ce petit Traité en la garde de Dieu Tout-puissant, lui qui donne toute science, et tout don parfait à qui il veut, et l’ôte à qui il lui plaît, afin qu’elles soient remises en la puissance de sa divinité; et aussi, afin qu’il ne permette pas qu’elles soient trouvées des impies et des méchans. O enfans de doctrine, rendez maintenant grace à Dieu, de ce que par sa divine illustration, il ouvre et ferme l’entendement humain; et que le saint Nom de Dieu soit béni en tous les siécles des siécles. Ainsi soit-il. _____________________________________________ _________________ |